Après la pose de la première pierre de l’ATEF (“Advanced Thorium Extraction Facility”) à Bessines sur-Gartempe, en novembre 2024, l’usine est désormais hors d’eau. Cette unité sera la première au monde à produire du thorium-228, précurseur du plomb-212, utilisé pour des traitements en alphathérapie ciblée contre le cancer.
L’unité « ATEF » d’Orano Med de Bessines-sur-Gartempe (chiffrée à 250 M€, le plus important investissement de l’année en Limousin) va bientôt devenir le premier maillon d’une chaine de production, à grande échelle, des thérapies innovantes ciblées contre le cancer à partir de plomb-212. Cette usine de près de 7 000 m² sera mise en service en 2027.

Le projet bénéficie d’une aide de l’État de 22 millions d’euros dans le cadre de l’appel à projets Industrialisation et capacités santé 2030 . « Le chantier progresse conformément au planning, nous pouvons compter sur l’engagement total de nos partenaires et des entreprises impliquées pour concrétiser ce beau projet qu’est l’usine ATEF » se félicite Bruno Pagnard qui pilote le chantier.
Actuellement, 160 000 personnes décèdent par an en France suite à un cancer tandis qu’une progression de 25 % des cas de cancers est attendue d’ici 2035. Des nouveaux traitements, plus ciblés et plus performants, sont donc très attendus par le secteur médical.
Valoriser les matières premières de l’ex Cogema
L’origine de ce projet remonte au début des années 2000 : Orano Med souhaitait valoriser le thorium-232, matière première générée par les anciennes activités minières de la Cogema, dont l’entreprise dispose d’un stock abondant de 22 000 fûts, entreposés à Cadarache. Il y a dix ans, les ingénieurs du laboratoire Maurice Tubiana ont mis au point un procédé breveté entièrement chimique qui comprend plusieurs étapes successives pour extraire et purifier des descendants du thorium-232, et notamment le plomb-212.
Aussi appelé Thorium B, le plomb-212 est très intéressant dans le cadre du développement de l’alphathéraptie, une nouvelle forme de traitement très prometteuse dans le domaine de l’oncologie, qui permet de cibler et de détruire les cellules cancéreuses avec un impact limité sur les cellules saines. Le thorium-232 ayant le pouvoir de se régénérer, Orano Med pourrait réutiliser indéfiniment son stock pour produire du thorium-228, précurseur du plomb-212.
La construction de l’ATEF va donc permettre d’industrialiser le procédé de fabrication du thorium-228 d’où seront extraites les doses de plomb-212. L’usine approvisionnera les sites ATLab (Alpha Therapy Laboratory) d’Orano Med qui produiront les médicaments à partir du plomb-212 prescrits aux patients à travers le monde. En France, la construction d’un ATLab est en cours à Onnaing, près de Valenciennes. Il produira à grande échelle des médicaments pour répondre aux besoins en Europe.
« L’usine ATEF constitue un maillon clé de la plateforme industrielle intégrée d’Orano Med » précise Fabrice Darvey, directeur des opérations industrielles, « cette plateforme couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur des traitements par alphathérapie ciblée depuis la production des précurseurs jusqu’aux thérapies à base de plomb-212. Elle permettra de produire ces traitements à grande échelle afin de répondre aux besoins des patients à travers le monde.»
La mise en service de l’ATEF va s’accompagner de 70 embauches et générer 100 emplois indirects. Ses capacités de production, couplées avec celles du laboratoire Maurice Tubiana, pourront assurer la fourniture pour les essais cliniques et les lancements commerciaux des premiers traitements développés par Orano Med. D’ici 10 ans, cette plateforme industrielle permettra de traiter jusqu’à 25 000 patients par an.
Médicaments commercialisés par Sanofi
Son candidat médicament « AlphaMedix » a fait l’objet d’un premier test clinique en 2019 sur un patient américain de 47 ans atteint de tumeurs endocrines avec métastases sur les os. Après avoir reçu deux injections, aucune activité tumorale n’avait été détectée un an après. Ce résultat encourageant peut redonner espoir à des patients en échec thérapeutique. Ce traitement comprend trois éléments, d’abord d’un élément actif qui est le plomb-212, puis d’un vecteur qui va cibler la cellule cancéreuse et enfin d’une molécule qui lie les deux.
Un accord a été conclu avec Sanofi, il y a un an, pour commercialiser ces futurs médicaments à l’échelle mondiale. Le groupe pharmaceutique est également entré au capital d’Orano Med à hauteur de 15,6 % soit un apport de 300 M€, ce qui valorise les activités d’Orano Med à hauteur de 1,9 milliards, valorisation la plus élevée atteinte par une biotech française.