Les Tours de Merle se dressent fièrement sur un éperon rocheux au cœur de la Xaintrie corrézienne depuis plus de 800 ans. En ce début de saison touristique, ce remarquable ensemble médiéval situé à 30 minutes de route d’Argentat, proposait aux visiteurs de remonter le temps lors d’une balade théâtralisée, guidés par une seigneuresse locale.
Un site naturellement fortifié
Les Tours de Merle forment une cité médiévale unique, perchée sur un massif rocheux de 200 mètres de long et de 30 à 50 mètres de hauteur. À l’arrivée sur place, l’impression est saisissante. Classé Monument historique depuis 1927, situé dans une zone Natura 2000, le site est aussi remarquable pour sa biodiversité.
Ce promontoire de granit offrait aux seigneurs du Moyen Âge une position défensive idéale : nul besoin de douves artificielles, car le site est presque entièrement encerclé par les eaux de la Maronne. La guide, qui incarne l’épouse du Seigneur de Merle, s’adresse aux touristes comme à des « voyageurs du futur », créant d’emblée une connivence appréciée par petits et grands, et combine habilement connaissances historiques et anecdotes.

La « coseigneurie » : comme une colocation au Moyen Âge
La particularité des Tours de Merle réside dans une organisation politique peu commune : un système de coseigneurie, que la guide qualifie avec humour de « colocation médiévale ». Contrairement au modèle féodal classique, où un seul seigneur règne sur son domaine, les Tours de Merle abritaient plusieurs familles nobles qui partageaient le pouvoir et l’espace.
« Nous sommes six familles de seigneurs à vivre ici en 1357 », explique la châtelaine. Parmi les principales familles, on trouve les Merle, les Pesteil, les Veyrac et les Carbonnières. Chaque lignée possédait sa propre tour, symbole de puissance et de prestige. Cette cohabitation permettait de renforcer leur pouvoir face aux menaces extérieures, mais n’était pas sans créer quelques tensions entre voisins, notamment entre les Pesteil et les Carbonnières.

Une position stratégique dans une époque difficile
Situé à la frontière de trois grands territoires médiévaux — le Duché d’Aquitaine, le Comté d’Auvergne et celui de Toulouse — le castrum de Merle occupait une position géopolitique enviable. La guide replace le site dans son contexte historique, celui de la guerre de Cent Ans, qui fait rage depuis deux décennies déjà en 1357.
« Pour vivre heureux, mieux vaut vivre caché ». A une époque où les « routiers », des groupes de mercenaires désœuvrés, pillaient les châteaux et villages durant les périodes de trêve, la vallée encaissée où se nichent les Tours de Merle offrait ainsi une protection naturelle contre ces bandes organisées qui pouvaient compter jusqu’à 200 hommes.

Confort médiéval et vie religieuse des seigneurs
La visite permet de découvrir la vie privée des seigneurs à travers les vestiges des demeures. La guide présente fièrement la Tour Romane, la première construction du site au XIe siècle, puis nous fait visiter sa « propre tour », plus confortable avec ses grandes cheminées, ses fenêtres à meneaux et ses nombreux aménagements.

Les éléments de confort médiéval sont présentés : les placards muraux qui remplaçaient les armoires transportables, les coussièges (banquettes de pierre aménagées dans l’embrasure des fenêtres) et bien sûr, les incontournables latrines et fosses d’aisance. Ce dernier sujet donne lieu à des explications détaillées sur l’hygiène au Moyen Âge. « Certains m’ont dit que vous nous imaginez comme des gens sales« , dit la châtelaine en souriant à belles dents. « Nous sommes pourtant très propres : on se lave les mains obligatoirement avant d’aller à table, on a des petits outils pour se nettoyer les dents après le repas, et on se lave aussi, les seigneurs dans leurs tours, et les villageois dans la rivière. »

La visite conduit également à la chapelle Saint-Léger, le lieu de culte privé des seigneurs, stratégiquement bâtie au-dessus de la porte d’entrée du site, et qui jouait une triple fonction : religieuse bien sûr, mais aussi défensive et juridique, puisque c’est là que se signaient les actes officiels régissant la vie sur le rocher, sous le regard divin « garantissant » le respect des engagements. Les éléments architecturaux, comme les voûtes d’ogives et les sculptures représentant les symboles des quatre évangélistes (un taureau, une tête d’homme, un lion et un aigle), témoignent du raffinement artistique de l’époque.
Un village médiéval animé
Si les tours des seigneurs impressionnent par leur hauteur, la visite évoque aussi la vie du village qui se trouvait à leurs pieds. En 1350, une centaine de personnes y vivaient : éleveurs, paysans, artisans divers… Ces villageois étaient protégés par les seigneurs en échange de services et d’impôts, selon le système féodal classique. L’occasion d’évoquer l’origine de certains noms de famille, définis à cette époque en fonction d’une caractéristique physique ou d’un métier, comme Jean le Bossu ou Guillaume Deschamps.
La châtelaine parle aussi des cultures en terrasses qui permettaient de nourrir la population locale, ainsi que de la chapelle Saint-Anne, lieu de prière pour les villageois, différent de celui des seigneurs, parfait exemple de la séparation des classes sociales au Moyen Âge.
Un patrimoine protégé et mis en valeur
La visite théâtralisée rend l’histoire vivante et plus facile à comprendre, et les explications permettent d’appréhender les enjeux politiques, architecturaux et sociaux du Moyen Âge. Les anecdotes sur les rivalités entre seigneurs, comme la querelle visant à déterminer lequel avait la plus haute tour, rendent le récit concret. Comme il est rappelé en fin de la visite, chaque billet aide à l’entretien, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine exceptionnel de ce rocher plein de vie au Moyen Âge.
Programme de visites et d’animations (ateliers, spectacles, rencontres) de toute la saison touristique aux Tours de Merle disponible sur le site toursdemerle.fr