1925-2025 : le Four des Casseaux fête les 100 ans de la porcelaine « Art Déco » avec 200 pièces exceptionnelles

Limoges a toujours fait rimer la porcelaine avec la créativité. Et rien de tel pour le vérifier que de visiter l’exposition « Art Déco 1925/2025 » qui célèbre le centenaire de « l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels moderne », organisée durant 6 mois à Paris en 1925, à l’Esplanade des Invalides, au Grand Palais, au Petit Palais et sur le Pont Alexandre III.

Proposée par le musée du Four des Casseaux jusqu’au 1er novembre, cette exposition rassemble environ 200 pièces exceptionnelles qui ont été mises à disposition par sept collectionneurs privés français, pièces qui étaient présentées en 1925 à Paris. Pour monter cette exposition, un travail de longue haleine a été mené afin de retrouver les manufactures participantes et les pièces exposées. Celle-ci permet de découvrir les réalisations d’une vingtaine de manufactures qui avaient adopté le style Art Déco alors très en vogue. « Les manufactures de porcelaine avaient pris un gros coup avec la 1ère guerre mondiale » précise Thomas Hirat, directeur du Four des Casseaux, « beaucoup d’hommes ne sont pas revenus et les capitaux ont nettement diminué. Des ateliers vont naître à la fin de la guerre qui seront dans un élan créatif mais malheureusement balayés à la seconde guerre et 1925 est vraiment l’apogée de cela. »

D’avril à novembre 1925, à Paris, les arts décoratifs industriels modernes ont conquis l’Esplanade des Invalides, le Grand Palais, le Petit Palais et le Pont Alexandre III © DR

Cette exposition annonçant la renaissance de la porcelaine a rassemblé une vingtaine de manufactures sous le pavillon de la 7ème région économique française. Leurs plus belles créations étaient présentées à côté de créations des émailleurs ou des tapissiers d’Aubusson. « Nous sommes aux aguets de toutes les expositions anniversaires concernant la porcelaine, par exemple en 2021 on savait que c’était les 250 ans de la porcelaine de Limoges »  explique-t-il, « celle-là, nous l’avions repérée car c’est la dernière période créative qui concerne l’Art Déco. Depuis trois ans, nous étions à la recherche des services présentés et primés, c’était comme un jeu de piste. Nous avons activé notre réseau de collectionneurs, particuliers et descendants de porcelainiers pour retrouver toutes les pièces et nous avons réussi à reconstituer tous les services importants. » Des catalogues et des publications d’époque comme la revue « La vie limousine » ont permis d’identifier ces pièces.

Après 3 ans d’un véritable jeu de piste, le Four des Casseaux a rassemblé quelques 200 pièces de porcelaine Art Déco présentées à l’exposition de 1925 © Brice Milbergue

Des pièces sorties des placards

Aujourd’hui, on peut donc admirer au Four des Casseaux les chefs d’oeuvre de l’exposition de 1925 notamment le service « Châteaux de France » de Théodore Haviland, le « Stella Copenhague » de chez Chabrol frères et Poirier, le « Verre or et noir » de chez A. Lanternier, un service de la manufacture Touze et un décoré par Marcel Goupy. La manufacture A. Lanternier avait alors décroché le « Grand Prix du jury » tandis que Haviland avait obtenu la médaille d’or avec des éléments du service « Châteaux de France » décorés par le peintre Jean Dufy. « La richesse de l’exposition est aussi d’avoir retrouvé les petites manufactures comme Chabrol frères et Poirier, André François, Touze Lemaître et Blancher » insiste-t-il.

Des formes et des designs résolument modernes pour l’époque ! © Four des Casseaux / Brice Milbergue

Le style Art Déco se positionnait en rupture par rapport à l’Art Nouveau qui l’avait précédé et reconnaissable avec ses lignes courbes et son influence de la nature et du vivant. L’Art Déco ne fut pas réservé qu’à l‘architecture bien que les façades d’immeubles en sont aujourd’hui les éléments les plus visibles comme dans en centre-ville de Limoges. Il touchera aussi la fabrication de mobilier, tissus et céramiques. « L’Art Déco symbolise la modernité et la géométrie, une soif de modernité qui casse avec les codes précédents » poursuit-il, « mais en termes de ventes, c’était mitigé, pas catastrophique mais pas exceptionnel non plus. Auprès du grand public, il faudra attendre les années 30 pour vraiment admettre que c’est une nouveauté et qu’en plus, c’est beau. Dans les années 20, l’élite est enchantée que ce soit les artistes, les écrivains, tous les acteurs de premier ordre qui sont dithyrambiques sur l’Art Déco. Le grand public, consommateur de porcelaine attendra les années 30. » Ce style avant-gardiste mettra donc du temps avant d’être finalement apprécié par le plus grand nombre.

Malgré tout, l’exposition de 1925 avait enregistré un succès au-delà des espérances, attirant plus de 16 millions de visiteurs. Elle jouera même les prolongations quelques semaines de plus. Vingt-une nations y étaient représentées, la plupart européennes.

Une activité dominée Haviland et Bernardaud

Au début du XXe siècle, les deux plus importantes manufactures sont celles des frères Haviland. Gérée par Charles Haviland, Haviland & Co employait plus de 2 500 personnes dans sa première fabrique située avenue Garibaldi, qui fermera en 1931, et celle du Mas-Loubier qui sera vendue à La Poste en 1936. L’usine qu’avait fait construire son frère Théodore Haviland, avenue Emile Labussière, employait 800 ouvriers en 1906. Elle sera exploitée sous son nom jusqu’en 1972. A elles seules, ces usines produisaient un tiers des pièces en porcelaine de Limoges en 1907.

Ils avaient cependant des concurrents de poids avec la manufacture de Rémi Delinières, située avenue Albert Thomas, qui produisait des pièces depuis 1863. Il va s’associer avec Léonard Bernardaud en 1895 qui était rentré dans l’entreprise comme simple apprenti. Ce dernier va la reprendre en 1900 sous le nom L. Bernardaud et Cie. On connaît la suite…

Un style moderne, contemporain et finalement intemporel

Les pièces exposées au Four des Casseaux sont particulièrement colorées avec des formes symétriques, à l’image de la théière à pans signée André François, qui tranche avec le style suranné des collections précédentes. Les décors de Suzanne Lalique, qui travaillait chez Haviland, sont d’une grande modernité. « On croirait qu’ils ont été faits aujourd’hui, cela plaît encore beaucoup aux gens car c’est très contemporain » remarque le directeur, « c’était tellement moderne que c’est contemporain. »

« Vieilles de 100 ans », ces pièces ont pourtant conservé un style coloré très contemporain © Brice Milbergue

Cette période d’après guerre fut un âge d’or pour l’industrie porcelainière, probablement le dernier de cette ampleur là. Les fabricants et les artistes travaillaient à l’unisson autour d’une dynamique créative. « Aujourd’hui les porcelainiers sont retombés dans une grande uniformisation » constate-t-il, « c’est beaucoup moins riche que dans les années 20 avec beaucoup moins de formes. »

Durant cette période euphorique, les fours tournaient à plein régime, crachant leurs fumées noires aux quatre coins de la ville, signe que la production repartait après des années de vaches maigres…

Pratique

Ouvert toute l’année du lundi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30 (Fermé les jours fériés). Visites libres sans réservations.

Plein tarif : 4,50 € / Tarif réduit : 2,50 € pour les étudiants / Gratuit pour les moins de 12 ans / Visite guidée : 9 € pour des groupes (Minimum : 8 adultes).

Réservations : 05 55 33 28 74 ou contact@fourdescasseaux.fr

Le Four des Casseaux, lieu incontournable de la mémoire porcelainière de Limoges © Brice Milbergue
Corinne Mérigaud
Corinne Mérigaud
Journaliste Actus Limousin
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