Il fait partie du paysage corrézien depuis des décennies ; depuis 74 ans précisément. Le barrage de Bort-les-Orgues est le plus grand ouvrage hydroélectrique installé sur la Dordogne. Chaque année, EDF et les offices de Tourisme Haute-Corrèze permettent à plusieurs milliers de visiteurs de le découvrir. Nous sommes allés dans les entrailles de ce mastodonte de béton (et autour).
477 millions de m³ d’eau, un mur de 120 mètres de haut et 700 000 m³ de béton coulé à sa construction entre 1942 et 1951. Ces quelques chiffres vertigineux sont ceux du barrage EDF de Bort-les-Orgues, situé sur la rivière Dordogne en Haute-Corrèze.
Ici, aux confins du Limousin et de l’Auvergne, la retenue offre une multitude d’activités touristiques et attire chaque été des milliers de visiteurs sur l’eau, à bord des Vedettes panoramiques, au bord pour visiter le célèbre château de Val (ce dernier a échappé à la montée des eaux du barrage) ou encore dans l’usine hydroélectrique situé sur la frontière entre la Corrèze et le Cantal.
Depuis trois ans, Tourisme Haute-Corrèze propose de rentrer au cœur de l’édifice avec une visite inédite. Casque sur la tête, nous avons suivi Anne, guide du site. « Est-ce que vous savez à quoi sert un barrage ? » La question posée par la jeune femme au pied de l’immense mur en béton peut paraître simple. Si la réponse première avancée par les visiteurs est bien sûr pour la production d’électricité, ce n’est pas la seule utilisation. La guide complète : « Un barrage, ça sert aussi à stocker de l’eau et à réguler son débit. » Les bases sont données.
Nous avançons encore un peu plus vers le gigantesque ouvrage de béton et son « saut à ski » (l’évacuateur de crue, d’ailleurs testé en 2023). Nouvel arrêt pour comprendre comment un tel édifice peut tenir : « L’ingénieur à qui nous devons la construction du barrage c’est André Coyne. C’est un barrage de type « poids-voûte » : poids car il est plus épais au niveau de sa base et voûte pour sa forme arquée. Les deux combinés permettent que la force de l’eau soit répartie sur les côtés du barrage. »

À l’époque, la construction de l’édifice est l’un des plus grands chantiers de France, ce pays qu’il faut reconstruire après la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’à 1 500 ouvriers ont été recensés au plus fort de l’activité. Aujourd’hui, on trouve encore des traces de cette période en se baladant dans Bort, notamment dans le quartier ouvrier de La Plantade, en direction d’Ydes, qui avait été bâti pour loger les travailleurs, c’était une véritable ville dans la ville !
De l’autre côté du barrage, en amont, une autre histoire s’est écrite. La mise en eau du barrage a forcément impacté le paysage et la vallée. Des villages ont disparu sous les eaux. Parmi les plus emblématiques : celui de Port-Dieu. Alors, plus haut, on a rebâti, transféré … On a recréé des vies en hauteur. Confolent-Port-Dieu est l’une de ces communes qui ont à peine plus de 70 ans. Du village de Port-Dieu, seule la chapelle des Manants situées jadis sur les « hauts » a été sauvée.

Le village de Mialet et celui de Valette ont aussi disparu, tout comme la ligne de chemin de fer reliant Paris à Béziers. A partir de 1998, l’anthropologue Armelle Faure a récolté des témoignages précieux, tant qu’il était encore temps, de ceux qui avaient vécu « en bas » et les a retranscrit dans l’ouvrage « Bort-les-Orgues, les mots sous le lac ».
L’équivalent de… 200 000 piscines olympiques
Voilà pour les informations historiques et techniques qui nous permettent de rentrer dans le barrage l’esprit serein, tout en sachant que, juste de l’autre côté, c’est un volume d’eau (et donc un poids…) équivalent à 200 000 piscines olympiques qui est retenu !

À l’intérieur de l’usine, changement d’ambiance. Le calme est surprenant. Pas un bruit en cet après-midi d’été où le barrage ne turbine pas, pas de personnel non plus et nous sommes pourtant dans la salle des commandes. Face aux armoires oranges qui nous font remonter le temps dans les années 1950, on apprend aussi que la production n’est pas lancée ici à Bort-les-Orgues mais à Toulouse !

« Il y a un centre d’optimisation hydraulique qui se situe à Lyon qui programme les périodes de production électrique en fonction des pics de consommation. Ensuite ce programme est transmis à un centre de conduite situé à Toulouse, et c’est ce dernier qui lancera la production d’électricité à distance », indique la guide. « Il ne faut que trois petites minutes pour répondre à la demande en besoin d’électricité », explique-t-elle.
La visite se poursuit dans les entrailles du barrage littéralement : le parcours emprunte ce que l’on appelle un « tunnel d’auscultation » qui traverse le mur de béton. Dans ces tunnels, c’est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les 157 appareils de mesure utilisés par les agents EDF pour surveiller le barrage. Chaque bruis résonne, l’ambiance offre une véritable immersion.

Clou du spectacle : la salle des machines depuis laquelle on découvre les deux capots violets des turbines qui sont chacune reliée à un arbre et celui-ci relié à un alternateur composé d’un rotor et d’un stator qui, à l’instar d’une très grosse dynamo, va transformer l’énergie mécanique en énergie électrique. Avec ses deux groupes de production, le barrage de bort peut produire 235MW, l’équivalent de la consommation annuelle d’une ville comme Limoges (130,000 habitants).

Deux étages plus bas, les deux conduites forcées qui amènent l’eau aux turbines parlent d’elles-mêmes tant leurs dimensions paraissent démesurées. « À l’intérieur, nous avons une vanne papillon qui s’ouvre grâce à l’huile et se referme grâce à l’eau. La vanne papillon fait 5 mètres de diamètre, et l’ensemble avec la conduite fait 5,20 mètres de diamètre », termine la guide.
Pour prolonger la visite, l’espace EDF Odyssélec permet, à travers un espace scénographié, d’en apprendre encore davantage sur le barrage et la production d’électricité en France. Nouveauté, le jeu « Mission turbines » est aussi à tester sur le site, un jeu immersif dont le but est de redémarrer les turbines !
Toutes les informations pour visiter le barrage sont à retrouver sur le site de Tourisme Haute-Corrèze.