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Région Limousin
lundi 25 novembre 2024

Déserts médicaux, la forte disparité dans l’accès aux soins touche une bonne partie du Limousin

L’examen du projet de « loi Valletoux » sur l’accès aux soins et l’engagement territorial ont a peine commencé que les débats sont déjà houleux. La notion de « régulation » a provoqué la colère des syndicats de médecins mais se retrouve pourtant au coeur des propositions du groupe transpartisan qui a travaillé sur la problématique des déserts médicaux. En Limousin, la situation est par endroit critique et on cherche désespérément à attirer des praticiens en milieu rural…

L’incendie parlementaire et démocratique provoqué par l’adoption en force de la réforme des retraites est à peine maitrisé qu’un nouveau sujet bouillant arrive dans l’hémicycle : celui de l’accès aux soins et de la lutte contre les déserts médicaux. Les députés ont commencé à examiner la proposition de loi du député Frédéric Valletoux et les débats vont être houleux puisque le projet est jugé trop coercitif par tous les médecins libéraux, qui se sont mis en grève le 9 Juin dernier, mais bien insuffisant par le groupe transpartisan réuni autour du député Guillaume Garot et porteur d’une proposition de loi contre les déserts médicaux.

Si l’examen de cette proposition n’est pour l’instant pas prévu, le groupe transpartisan a néanmoins déposé, la semaine dernière, un amendement à la loi Valletoux pour introduire la notion de régulation dans l’installation des médecins et des chirurgiens-dentistes. Si cet amendement était adopté, il leur faudrait l’autorisation de l’Agence Régionale de Santé et ils ne pourraient s’installer dans un territoire où l’offre de santé est jugée suffisante qu’à la condition qu’un de leurs confrères cesse son activité. En résumé, plus possible de s’installer dans des villes déjà bien fournies sans attendre le départ à la retraite d’un confrère, avec pour objectif de stimuler les installations dans les zones dites de « désert médical ».

Il faut avouer que la situation est préoccupante puisque, selon UFC Que Choisir, « 25 millions de français vivent dans un territoire où l’offre de soins libérale est insuffisante » et que les dépassements d’honoraires ne cessent de croitre alors que cette pratique réduit encore plus l’accès aux soins des plus démunis. L’association de consommateur a réalisé une vaste étude à l’automne 2022, dont le constat est sans appel : pour UFC Que Choisir il y’a en France une véritable « fracture sanitaire » qui nécessite la mise en place de réformes d’ampleur pour lutter contre les déserts médicaux. Son président, Alain Bazot, a même récemment réagi à la proposition de Loi Valletoux, fustigeant l’absence de mesure de régulation lui conférant « des allures de coquille vide »…

Où se trouve les déserts médicaux en Limousin ?

La problématique des déserts médicaux en Limousin est complexe car les données prises au niveau des départements laissent transparaitre une situation en trompe l’œil. Si la situation en Haute-Vienne est plutôt bonne, elle est plus inquiétante en Corrèze et carrément critique en Creuse.

Sources : Atlas de la démographie médicale 2023 – Conseil de l’ordre des Médecins, INSEE

Le constat est d’autant plus alarmant lorsqu’on observe les disparités sur le territoire car si l’agglomération limougeaude et le bassin de Brive attirent encore suffisamment de praticiens, les zones rurales perdent les quelques médecins qui y exerçaient encore et qui l’heure de la retraite arrivant, et même parfois largement dépassée, mettent la clé sous la porte sans être remplacés. Avec la « vague » de départs à la retraite des baby-boomers dans les années à venir, la situation risque vite de devenir intenable notamment en Creuse, en Haute-Corrèze et dans le nord et le sud-est de la Haute-Vienne.

Médecins en activité par commune au 1er janvier 2021 © Conseil National de l’ordre des Médecins

Départements, députés et maires ruraux sur le front depuis longtemps…

La problématique de la désertification médicale n’est pas nouvelle en Limousin, elle n’est qu’une conséquence de la désertification plus globale qui touche une bonne partie de notre territoire avec son lot de problématique sur l’emploi, l’éducation et bien sûr la santé. Chacun à leur échelle, les élus locaux essayent depuis longtemps d’agir dans l’attente d’une éventuelle avancée législative.

La Creuse a lancé son opération « Creuse, The Place Toubib » pour faciliter l’arrivée de tous les nouveaux médecins qui voudraient bien venir s’y installer et la Corrèze organise des « week-ends découverte » à l’attention des futurs médecins pour les convaincre d’emménager sur le territoire. A la Faculté de médecine de Limoges, le Forum Limousin Santé Territoires vise à favoriser l’installation médicale en Limousin en s’adressant directement aux internes et aux étudiants en santé.

Enfin, Stéphane Delautrette, Damien Maudet et Francis Dubois, trois députés limousins ont participé au groupe de travail sur les déserts médicaux et co-signés le projet de loi porté par Guillaume Garot. Les 2 premiers participent d’ailleurs, avec 5 autres députés de tous bords, à un « Tour de France des déserts médicaux » qui s’est arrêté au Palais-sur-Vienne la semaine passée.

Liberté individuelle Vs sens du devoir

La situation est donc complexe entre des territoires qui appellent au secours, des médecins qui ne veulent pas être privé de leur liberté d’installation et un gouvernement qui vide une loi de sa substance pour essayer de ménager la chèvre et le chou au milieu d’un système de santé qui continue de se déliter et qui est en perdition depuis de trop nombreuses années.

Il est tout à fait compréhensible qu’après de si longues études, et notamment une douzaine de stages aux 4 coins de la France, les jeunes médecins aspirent à un peu de répit et soient plus tentés par une vie citadine dynamique que par un exil rural forcé. D’un autre côté, le coût de formation des étudiants en médecine, supporté par l’Etat, étant de l’ordre 20 000€/an pendant 9 à 12 ans, il  s’agit d’un investissement collectif conséquent qui pourrait justifier quelques contraintes… même si pour le faire accepter par les jeunes diplômés, il serait sûrement judicieux de leur laisser un peu le temps de profiter des fruits des longues années d’étude qu’ils viennent tout juste de terminer.

Brice Milbergue
Brice Milbergue
Rédacteur en chef d'Actus Limousin

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