D’ici à 2030, la caserne Marceau sera complétement transformée en éco-quartier avec la construction de logements et l’arrivée de nouveaux services et commerces. Quinze ans après le départ des militaires, et après de nombreuses ébauches de projets, une nouvelle page va pouvoir se tourner sur ce site historique de Limoges…
Les permis de construire sont affichés sur les grilles d’entrée et, d’ici peu, la caserne Marceau va poursuivre sa reconversion avec la construction de 140 nouveaux logements, conçus avec des « exigences environnementales élevées ». Après la « désertion » des 400 militaires en 2010, suite au plan dit « de modernisation de la défense » de 2008, la Ville de Limoges a racheté la caserne de près de 4,5 ha à l’Armée, pour l’euro symbolique. Proche du centre-ville, et dans un quartier où l’offre immobilière est limitée voire vétuste, ce site intéressait naturellement la Ville, qui souhaitait insuffler une nouvelle dynamique au quartier « Carnot-Marceau » et proposer de nouveaux logements afin de répondre aux besoins de la population.
Après la guerre franco-prussienne de 1870, la France amorça un vaste programme de constructions de casernes afin de renforcer ses capacités militaires. La Caserne Marceau a été construite à partir de 1875 sur un terrain acheté par la Ville de Limoges qui en cédera l’usufruit à l’Armée en décembre 1884. A cette époque, le nouveau quartier de Carnot-Marceau est en pleine urbanisation. Limoges se développe sous l’impulsion de l’industrie porcelainière et du cuir. C’est d’ailleurs non loin de là que se sont installées l’usine Haviland et celle des chaussures Heyraud.

A partir de 1946 y passeront successivement le 2e Régiment d’Artillerie, le 30e Bataillon de Chasseurs Portés, le 20e Régiment d’Artillerie, le 15e Régiment de Commandement et de Soutien et, à partir de 1977, le 15e Régiment du Train qui deviendra le 15e Bataillon du Train, dissout le 19 mai 2011, en même temps que l’État-major de Force n°4 dont il était l’unité de soutien.

Le projet, baptisé « Marceau réinventé« , a fait l’objet de plusieurs concertations publiques et vise aussi à créer une dynamique économique dans ce quartier, avec notamment un marché hebdomadaire qui sera conforté, l’installation d’un tiers lieu et l’accueil de nouveaux services en lien avec le renouveau du quartier. Le but est également de créer de nouveaux espaces verts pour lutter contre les îlots de chaleur et désimperméabiliser les sols. Enfin, la place des piétons et les modes de déplacements non polluants sera privilégiée tout en désenclavant la caserne par de nouvelles liaisons piétonnes, cyclistes et automobiles.
Moins de logements et plus d’espaces verts
La Ville de Limoges s’est engagée dans un ambitieux projet de transformation, remis à plat plusieurs fois notamment en avril 2022, après un projet avorté avec la CCI qui projetait d’y regrouper ses écoles d’enseignement supérieur. Il aura donc fallu une dizaine d’années de gestation pour aboutir à la version finale. Le projet a été remanié en septembre 2022, suite notamment à la très forte implication de l’association de riverains « Collectif Marceau » (voir ci-dessous) qui plaidait pour moins de logements (350 prévus) et plus d’espaces verts, de convivialité et des lieux culturels.

Deux cents logements de moins sont donc prévus par rapport au projet précédent, et cinq bâtiments de plus seront préservés en vue d’une reconversion dont les anciennes écuries et le pavillon de l’horloge soit dix en tout. Initialement, seuls les deux plus grands bâtiments devaient être conservés et les autres détruits pour bâtir une vingtaine de constructions afin d’accueillir 600 à 800 habitants.
Un tiers-lieu aménagé, des logements regroupés
Les espaces publics devraient donc occuper une plus grande place grâce à la préservation, dans son intégralité, de l’ancienne « place d’armes » sans construction. Un parc de 4 500 m² sera aménagé. Le volet mobilités a été revu avec la suppression du parking silo (à étages), la réduction de la voirie et un nouvel accès pour la Police Municipale.
En septembre 2024, le tiers-lieu « Bâtiment 25 » a ouvert ses portes, un investissement de 2,1 millions pour la Ville. On y trouve des espaces de coworking, des ateliers pour artisans, un pôle arts et arts du feu, un auditorium, un bar, un espace restauration et une boutique.
La version définitive du projet a permis de simplifier sa mise en œuvre pour une réalisation d’ici 2030. Le morcellement des espaces a été modifié au profit de logements regroupés à l’est autour de trois lots contre six ou sept avant. Enfin, le projet sera cantonné à la caserne et n’englobera plus la Place Marceau impactée par le futur BHNS. Au final, le coût est réduit d’autant que les travaux de voirie, réseaux, espaces verts et les démolitions seront réalisés par la Ville de Limoges.
Des victoires pour le Collectif Marceau
Ce futur écoquartier va associer une mixité de logements, du petit collectif et des maisons individuelles. C’est la société « ALTANA Promotion » qui s’est vue confiée les constructions et la réhabilitation des bâtiments. Le projet final concerne 140 logements, dont 13 maisons individuelles en accession libre et 28 logements dans les anciennes écuries. Dans le bâtiment de l’horloge ouvrira une brasserie. Le marché s’installera sur la place d’armes.

La seconde concertation publique, menée durant l’été 2024, a mobilisé 700 habitants qui ont pu exprimer leurs souhaits. Au premier rang de cette concertation, le Collectif Marceau créé en 2019 et qui compte aujourd’hui 330 adhérents, à 80 % des riverains. « Suite à la première concertation, nous avions fait remonter des informations venant de nos membres aux élus de la Ville et de Limoges Métropole » nous signale M Bernard Varnoux, le président de l’association, « on estime avoir gagné sur la conservation du patrimoine même si on n’a pas été les seuls à se battre pour ça, le Pavillon de l’horloge devait disparaître, les écuries aussi et leur architecture sera conservée et reproduite sur les bâtiments d’en face. » Et sur ce site autrefois très minéral, le Collectif Marceau a aussi plaidé pour plus de verdure. « La moitié de la place d’armes sera conservée en parc arboré » poursuit-il.

Certains riverains, qui redoutaient que cette reconversion ne devienne qu’un vaste projet immobilier, ont finalement eu gain de cause puisque 200 logements sont « passés à la trappe » ; et la délocalisation du marché est aussi une victoire. « Une partie du marché ne rentrera pas au vu de la surface disponible, on est un peu inquiet. Est-ce que la volonté de la mairie ne sera pas demain de supprimer le non alimentaire ? Ce serait dommage. »
Des points sont toutefois jugés négatifs comme la rue qui passerait devant le tiers-lieu. « On l’aurait imaginée comme une desserte fermée par des bornes donc pas ouverte à n’importe quel véhicule » regrette-t-il, « mais ce n’est pas encore dans les tuyaux. » Le projet de brasserie dans le Pavillon de l’Horloge ne fait pas non plus l’unanimité. « On aurait aimé continuer à y faire des animations, cela nous interroge si ça ne reste qu’un espace de restauration. On voudrait que ça puisse vivre. » Enfin, c’est l’absence de projets hors des murs de la caserne qui pêche aussi à ses yeux : « Rénover la caserne c’est bien mais à condition qu’elle rayonne sur le quartier » se projette-t-il, « le square en face est à l’abandon et non pris en compte. Le Collectif va rester vigilant sur la caserne et le projet de BHNS. »
Si le « Collectif Marceau » a beaucoup œuvré pour se faire entendre sur le projet en cours, il faut rappeler qu’il a été précédé par un autre collectif baptisé « Marceaudacieuse » et qui déjà, entre 2016 et 2018, plaidait pour l’ouverture d’une concertation citoyenne sur l’avenir de la caserne et rêvait d’un projet d’écoquartier et de lieu multifonction. Longtemps ignoré par la municipalité, « Marceaudacieuse » avait alors multiplié les réunions publiques et organisé une pétition pour interpeller la mairie. Quelques années plus tard, la même municipalité organisait des concertations publiques et portait… un projet d’écoquartier et de lieu multifonctionnel…
Où en est-on ?
En octobre, la démolition de murs d’enceinte a pu commencer, avec deux mois de retard… Les quatre pavillons d’entrée seront conservés mais leur affectation reste à confirmer. Trois d’entre eux pourraient accueillir une maison médicale pluridisciplinaire, le Collectif Marceau et « La Maison du café ». Les postes d’accueil et l’ancienne infirmerie vont être démolis mais leurs façades seront préservées pour maintenir l’homogénéité architecturale de la caserne qui, néanmoins, s’ouvrira largement sur la place.
Rue Charpentier, l’ancien bâtiment du maître bottier et du tailleur sera rasé pour créer une nouvelle voie. Rue Armand Barbès, les façades seront conservées mais le bâtiment grillagé de la rue d’Argenton sera démoli pour aménager l’accès à la Police Municipale. Une période de travaux s’engage donc pour redonner une nouvelle vie à cette ancienne caserne et pour faire en sorte qu’elle s’intègre définitivement au centre-ville…

