La médiathèque de Meymac accueille, jusqu’au 4 janvier, une exposition de planches originales de la bande-dessinée « Au loup ! », du dessinateur Troubs, qui raconte, à travers les yeux de différents acteurs du territoire, le retour du loup, entre 2021 et 2023. Objectif : présenter de manière pédagogique, et avec une pointe d’humour, les enjeux autour d’un sujet qui déchaine, au-délà du raisonnable, les passions.
Fin 2021, l’installation d’un loup sur le Plateau de Millevaches est attestée. Mai 2023, le loup est abattu à Tarnac, par des louvetiers dans le cadre d’un tir de défense simple.
Entre ces deux dates : des attaques qui se multiplient, la médiation et l’accompagnement qui s’organisent, une « machine institutionnelle » qui se met en branle pour encadrer l’appui de l’État prévu dans le cadre « plan Loup », des mesures de protection qui se mettent en place en urgence chez des éleveurs souvent choqués… Entre temps, un canis lupus qui, disparu du Limousin depuis près d’un siècle, déchaine les passions entre « pros » et « antis », et conduit à des débats enflammés desquels ne sortiront rien de bon.
Le Limousin n’était pas prêt. Le loup en a bien profité. Il a fini par le payer.
« Au loup ! », chronique d’un retour
Ce retour du loup, les questions que cela a soulevé et le clivage qu’il a provoqué, c’est ce que se propose de raconter, « Au loup ! », une nouvelle bande-dessinée de Jean-Marc « Troubs » Troubet sortie aux éditions Rackam au début de l’automne.
Venu de sa Dordogne voisine, le dessinateur a côtoyé des éleveurs du Plateau de Millevaches pour mesurer l’impact du retour du loup sur leur quotidien, et échangé avec des éthologues (spécialiste du comportement animal) pour en apprendre un peu plus sur les us et coutumes des loups, leurs stratégies et leur place dans biodiversité. Le fruit de ses échanges, Troubs l’a condensé en une belle bande-dessinée de 80 pages qui raconte, avec humour et à travers les yeux des animaux que nous sommes, le retour d’un prédateur dans une terre d’élevage.
« Pour le « royaume des Kapokiers » j’ai fait un reportage dans un parc naturel au Ghana sur la cohabitation entre les paysans et le « sauvage » avec les éléphants qui défoncent les champs, les hyènes qui mangent les zébus, les singes qui mangent le sorgos etc… mais là bas ça se passe plutôt bien. Donc quand on m’a proposé le sujet, j’ai tout de suite fait le lien. » raconte Troubs. Pour « Au loup ! », il explique : « C’est chronologique, ça raconte ce qui s’est passé avec ce loup là, qui s’est sédentarisé, des premiers indices en 2019 à ce qui se passe maintenant. L’idée c’est de raconter ce qu’il s’est passé factuellement. J’ai essayé de faire parler tout le monde, les humains, les animaux, les plantes. Il n’y a que loup qui est furtif. »
Ce projet de raconter l’histoire en bande-dessinée n’est pas né de l’imaginaire de Troubs. Il a été initié par l’association de médiation artistique et culturelle « Quartier Rouge », qui avait, dès 2017, identifié la question de « comment se préparer au retour des loups sur la montagne limousine ? » Un premier travail avec alors été mené avec l’artiste-chercheur Boris Nordmann et avec l’éthologue Jean-Marc Landry pour essayer d’aborder la question par des « approches artistiques, philosophiques, éthologiques et paysannes » et dans une « démarche collective au-delà des oppositions “pour ou contre le retour du loup” ».
Enfin, le lien entre « Quartier Rouge » et Troubs, c’est Latino Imparato qui l’a fait. Fondateur des éditions Rackam, il habite Tarnac et l’arrivée du loup dans les parages il l’a vécu de près puisque les attaques les plus importantes se sont passées presque devant sa porte et qu’il a pu mesurer la détresse de son voisin éleveur. « L’idée de sortir ce livre c’était de mettre un peu les pieds dans le plat et de faire redescendre le débat à notre niveau, avec l’idée d’aider les éleveurs à trouver des solutions, sans extrême, ni d’un côté ni de l’autre. L’objectif c’est de faire un ouvrage qui finisse dans les mains de tout le monde, et surtout de ceux qui pensent qu’il ne faut rien changer. »
Vous l’aurez compris, « Au loup ! » n’a pas pour but de convaincre de pencher dans un camp plus que dans l’autre mais bien d’appréhender, à travers une œuvre artistique, un problème ô combien complexe dans toute sa globalité, à tête reposée et avec un peu de légèreté. Il ne ravira sûrement pas les « antis » ni les « pros » mais ils sont finalement bien peu nombreux comparés à la grande foule de celles et ceux qui n’ont pas d’avis tranché sur la question.
D’autant que le sujet est toujours d’actualité car le loup est déjà de retour sur le Plateau de Millevaches puisque la présence de deux nouveaux individus, en provenance du Nord-Est de l’Europe est avérée depuis quelques mois. Si les éleveurs du territoire sont mieux préparés que la première fois, grâce à la mise en place des mesures de protection, le loup est toujours protégé par la convention de Berne. La cohabitation entre élevage et sauvage n’est donc pas une option mais le sujet est toujours aussi clivant et le chemin risque d’être encore long…
« Au loup ! » fait partie de la sélection « Eco-fauve Raja » du Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulème 2025.
Pratique
« Au loup ! » – de Troubs aux éditions Rackam, 80 pages – 20€
Exposition « Au loup ! » avec des planches originales de Troubs à la médiathèque de Meymac, du 5 décembre au 4 janvier.
