Suivi de la migration des oiseaux dans le ciel du Limousin : une mission essentielle et très instructive menée par la « LPO »

Pour tout natif du Limousin, la migration des oiseaux est sans aucun doute le meilleur indicateur des changements de saison. Et pour cause : notre territoire est situé sur des couloirs de migration majeurs pour de nombreuses espèces et les grands V des grues cendrées dans le ciel y annoncent chaque automne l’arrivée de la « saison froide ».

Au cœur du Limousin, la migration automnale des oiseaux est un phénomène fascinant suivi de près par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Chaque année, de mi-septembre à mi-novembre, ornithologues et bénévoles observent les milliers d’oiseaux qui traversent la région en route vers des climats plus cléments. Mais à quoi sert ce suivi, et pourquoi est-il si important ? C’est ce que j’ai tenté de comprendre en rejoignant Melvin Guillot-Jonard, salarié à la LPO, sur un point d’observation du plateau de Millevaches.

Pourquoi suivre la migration des oiseaux ?

Le suivi régulier des migrations permet de recueillir des données essentielles sur l’état des populations d’oiseaux. Grâce aux protocoles rigoureux, on peut observer les tendances à long terme. En France par exemple, la population de Milan royal a presque diminué de moitié, tandis que le Milan noir et les cigognes se portent bien. Ces espèces charognardes bénéficient en effet d’une meilleure adaptation aux milieux anthropisés, notamment en se nourrissant dans les décharges ou des animaux morts le long des routes.

La silhouette caractéristique du Milan royal, une espèce toujours classée « vulnérable » en France © LPO

Ces comptages, effectués année après année, permettent également de comprendre les effets du changement climatique sur les populations d’oiseaux. C’est un véritable indicateur de la santé de nos écosystèmes.

Comment s’effectue le suivi de la migration ?

Je rejoins Melvin, déjà occupé à compter les oiseaux à l’aide de son compteur manuel et à reporter les chiffres des espèces observées sur sa tablette. Je lui fais part de ce beau ciel bleu qui me semble idéal pour effectuer le suivi. Mais je suis vite détrompée car Melvin m’explique que tout ce bleu est très aveuglant et que, pour percevoir les oiseaux au loin, le temps idéal est un temps nuageux !

Pour ce qui est du suivi migratoire, le protocole est strict, comme me l’explique Melvin, afin qu’il soit réplicable partout dans le monde dans les mêmes conditions pour disposer de données que l’on peut comparer. Les observations doivent se faire à l’œil nu ou avec des jumelles. Les relevés s’effectuent de 8h à 18h très précisément et ce, pendant deux mois.

Une vue dégagée, une bonne longue-vue et beaucoup de patience… © Pauline Sutter

Le site choisi pour effectuer le suivi doit être le même, année après année, et être doté d’une vue dégagée. Il s’agit de sites stratégiques très souvent en altitude ou à proximité d’obstacles naturels, comme des chaînes de montagnes, car cela force les oiseaux à passer par un point précis, facilitant ainsi leur comptage. Dans les Pyrénées, où les montagnes sont un obstacle de taille, le passage des oiseaux est dense et concentré. Sur le plateau de Millevaches, où le relief est moins marqué, le flux est plus diffus, rendant le suivi plus complexe.

Le suivi des migrations en Limousin, bien que plus récent, s’est structuré. Depuis l’an dernier, les comptages s’effectuent de manière quotidienne pour offrir des résultats plus fiables.

Pourquoi les oiseaux migrent-ils ?

Naturellement, tous les oiseaux migrent pour échapper à l’arrivée du froid et à la raréfaction de nourriture. En automne, alors que les ressources diminuent, les oiseaux délaissent nos contrées pour rejoindre des territoires plus riches comme l’Afrique ou le sud de l’Europe. Ceux qui ne migrent pas, comme certains passereaux omnivores, parviennent à trouver de la nourriture sur place en adaptant leur régime alimentaire. Mais pour la majorité des oiseaux, la migration est une question de survie.

Quand les abeilles se blottissent dans la ruche pour passer l’hiver, les guêpiers migrent vers l’Afrique de l’Ouest © LPO

Le changement climatique influence également les comportements migratoires au point que certaines espèces, comme la fauvette à tête noire ou le rouge-queue, restent désormais sur place toute l’année. À l’inverse, avec ces conditions météorologiques défavorables, notre mois de juillet a précipité le départ des martinets noirs qui ont quitté le Limousin sans même prendre le temps de se reproduire.

En suivant la migration des oiseaux, j’apprends aussi que chaque espèce a des moments privilégiés pour migrer : les gros oiseaux planeurs, comme les rapaces, migrent de jour, tandis que la plupart des autres espèces préfèrent voyager de nuit. Certaines, comme les hirondelles, se nourrissent en route, tandis que d’autres, comme les limicoles, accumulent des réserves avant de partir pour un long trajet sans escale.

Chaque espèce d’oiseaux a sa période de migration : le début du mois de septembre est réservé au passage des rapaces, c’est le moment idéal pour observer des espèces rares dans l’hexagone. Quand arrive la mi-octobre c’est au tour des passereaux (hirondelles, mésanges et pinsons des arbres…) mais également des pigeons ! Il y a près de 500 000 individus qui traversent la France chaque année pour se rendre dans le sud de l’Europe !

Les oiseaux migrateurs en Limousin : un spectacle automnal à ne pas manquer

Le suivi des migrations d’oiseaux en Limousin est encore en phase de structuration, mais les données recueillies sont prometteuses. Elles révèlent l’importance de préserver les paysages naturels pour offrir un refuge aux oiseaux migrateurs.

Melvin m’explique que c’est grâce à sa mosaïque de paysages – alternance de prairies, forêts, haies et champs – que le Limousin est une terre accueillante pour de nombreuses espèces d’oiseaux. Il a remarqué que des espèces rares il y a quelques années comme le bouvreuil, le pipit des arbres ou encore le bruant jaune se rencontrent désormais plus fréquemment. Les paysages bocagers, où cohabitent prairies et haies, sont essentiels à des espèces comme la pie-grièche écorcheur, l’alouette lulu ou encore le bec croisé des sapins…

En plus de son travail scientifique, la LPO joue un rôle clé de médiation auprès du public et Melvin, qui encadre les observations sur le plateau de Millevaches, échange souvent avec des randonneurs qui s’arrêtent pour poser des questions. Cet échange est l’occasion de sensibiliser le grand public à l’importance de la préservation des oiseaux et de leur habitat. La LPO organise également des sorties pour apprendre à reconnaître les oiseaux en vol et à mieux comprendre leur rôle dans nos écosystèmes.

Un Atlas des oiseaux du Limousin à disposition des visiteurs de passage © Pauline Sutter

Vous pouvez également contribuer de chez vous à participer au suivi des espèces d’oiseaux de votre jardin grâce à l’appli de sciences participatives « BirdLab« , lancée en 2014 par le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) en partenariat avec la LPO et AgroParisTech.
Grâce à la LPO et à ses bénévoles, chaque année nous en apprenons davantage sur ces espèces fascinantes. Et il n’y a pas que les oiseaux : certains insectes, comme les papillons piérides ou vulcains, effectuent aussi des migrations en automne, contribuant à la richesse de notre biodiversité locale.

Pratique

Plus d’informations sur le site limousin-lpo.fr

Site d’observation LPO Limousin : Plateau de Millevaches, Saint Sulpice les Bois
Tous les jours de 8h à 18h jusqu’au 15 novembre

Contact : 06 15 58 77 39 / Mail : m.guillot.jonard@gmail.com

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